Les étoiles d’hôtels : trompeuses, partiales, obsolètes (vive le Web)

La France, une des destinations touristiques mondiales majeures, vient de réformer son classement hôtelier, celui qui attribue les étoiles des hôtels, de 1 à 5 aujourd’hui. Tout le monde croit qu’il s’agit d’une distinction qui correspond à la qualité des hôtels. En fait, pas du tout.

Les étoiles sont seulement un attribut administratif qui donne des indications de surfaces et des équipements des hôtels. Rien à voir avec la qualité. Il y a des 5 étoiles mauvais et des 1 étoile sans reproche.

Ce toilettage du classement hôtelier était nécessaire, car les normes précédentes, largement obsolètes, dataient de 1986. Avec la réforme du classement hôtelier de 2009, on aurait pu penser que le ministère en charge du Tourisme, qui est aussi en charge de la Consommation, allait faire dans le progrès et dans l’excellence. Qu’il irait diagnostiquer et suivre, voire anticiper, les attentes des 27 millions de voyageurs qui fréquentent chaque année les 21 000 hôtels français (dont 17 000 avec des étoiles).

Pas un client d’hôtel interrogé

D’abord, le référentiel réunissant les critères des nouvelles normes de classement a été élaboré sans interroger un seul client d’hôtel. C’est décidément une habitude dans les dossiers actuels où l’on prétend agir pour le bien des consommateurs… sans jamais leur demander leur avis.

Le Comité pour la modernisation de l’hôtellerie française, dont je suis le président-fondateur, dénonce cette situation depuis 2006.

De 1 à 2 étoiles et un minimalisme digne d’une cellule monacale

La nouvelle grille passe d’une quarantaine de critères à respecter auparavant à plus de deux cents. Mais à lire ces nouveaux critères, on se rend compte que leur niveau d’exigences est aplati au minimum syndical.

Contrairement à la plupart des autres pays européens et surtout contrairement à ce qu’attendent les clients d’hôtels, en France, selon les nouvelles étoiles, les chambres des hôtels économiques (de 1 à 2 étoiles, soit 3/4 de l’offre hôtelière, quand même) ont la possibilité de flirter avec un minimalisme digne d’une cellule monacale.

Qu’on en juge : elles peuvent n’avoir ni salle de bains/douche et toilettes, ni télévision, ni téléphone, ni accès à Internet, ni ascenseur dans un bâtiment de trois étages et le tout avec des chambres de 8 m2, pour lilliputiens…

Il y a aussi des bizarreries comme celle de devoir bien sûr disposer d’un chauffage dans les chambres, mais on ne dit pas pour quel résultat. Il peut ainsi faire 13° C dans les chambres en hiver ; cela ne gênera personne pour donner des étoiles. Les salles de bains (quand il en existe) n’ont pas besoin d’avoir un miroir. Et ainsi de suite sur des dizaines et des dizaines de critères sortis du chapeau, sans le moindre bon sens.

Cela doit être ce qu’on appelle « l’exception culturelle » française. Doutons qu’un hôtelier serait suffisamment imbécile en respectant ces critères à la lettre ; il n’aurait alors aucun client !

La saleté n’est pas éliminatoire, si on a un billard !

Au-delà de cette grille approximative, le système d’attribution des étoiles est lui aussi assez loufoque et se trouve être une vraie usine à gaz, que même les vérificateurs ne maîtrisent pas.

Il fonctionne avec des systèmes de points. Quand une prestation obligatoire manque ou n’est pas conforme, l’hôtelier vérifié perd des points. Mais tout est sauf, car il peut racheter ces points perdus en proposant des prestations facultatives, parfois insignifiantes.

Par exemple, si les chambres sont sales, le fait de disposer d’un billard au sous-sol, d’un tennis, d’un chariot porte-bagage et d’un personnel baragouinant une langue étrangère, fera gommer ce (grave) défaut par des points compensatoires gagnés. Un hôtel sale, ce n’est pas éliminatoire pour afficher des étoiles !

Comment peut-on juger du silence d’un hôtel si l’on n’y dort pas ?

Quant aux contrôles, désormais une fois tous les cinq ans, la très sérieuse DGCCRF (les fraudes) qui assurait ce travail auparavant a laissé sa place à une quarantaine de cabinets d’audits privés. Ces auditeurs privés sont accrédités par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Mais la garantie s’arrête là car il n’a que très peu de moyens de supervision sur ces cabinets à vocation commerciale.

Le premier souci est que ces derniers sont choisis par les hôteliers, qui les paient pour être contrôlés dans la procédure d’attribution des étoiles. L’indépendance des auditeurs en devient inexistante et ils sont alors juges et parties. Le second problème est que ces derniers sont tous en concurrence entre eux, ce qui leur fait vendre leurs prestations à des prix au ras des pâquerettes. Tant mieux pour les hôteliers qui paient moins cher. Sauf que pour s’en sortir, beaucoup de ces cabinets d’audits – qui vendent alors à perte – sont encouragés à tricher.

  • Que penser de l’efficacité de ces vérifications souvent partiales ?
  • Comment peut-on juger du silence d’un hôtel si l’on n’y dort pas ?
  • Comment vérifier qu’il y a de l’eau chaude le soir, quand tout le monde prend sa douche en même temps, alors que le vérificateur est parti à 16 heures ?
  • Comment garantir une prestation étoilée par une seule vérification tous les cinq ans ?

D’autant que dans les hôtels jusqu’à 3 étoiles (presque 95% de l’offre actuelle), les hôteliers sont prévenus de la venue du contrôleur. Un gros ménage ponctuel est alors facile à prévoir.

Enfin, il n’existe aucun numéro vert, aucune adresse e-mail ou aucun site officiel qui permette aux clients de s’exprimer sur les hôtels classés. Bref, si les étoiles sont faites pour théoriquement apporter des garanties aux consommateurs, en pratique rien n’est fait pour eux. Rien.

Le Web contre ces étoiles, pas plus fiables

Tout cela fait penser que les étoiles en hôtellerie, c’est terminé. Internet a par bonheur tout changé : 84% des clients d’hôtels y passent pour choisir leur hôtel et 76% fréquentent les sites communautaires (Tripadvisor et autres) pour savoir ce qui est dit par les autres voyageurs sur les hôtels.

Le prix est devenu le premier critère de choix d’un hôtel. Tout cela remplace désormais largement les étoiles. Elles n’ont plus lieu d’être et ne sont pas plus fiables qu’elles ne l’étaient avant la réforme.

Le nouveau classement regroupera à la fois des hôtels de belle allure et des hôtels médiocres, et le parc des hôtels non-classés (le classement des hôtels n’est heureusement pas obligatoire) regroupera lui aussi, la même chose. Il faut donc passer à autre chose. Et Internet par chance le permet.

Trouver une école spécialisée dans les formations en hôtellerie de luxe
Internet : Open source, des ressources gratuites mais pas sans coût…

Plan du site